Le roman que les Calédoniens ne peuvent pas encore lire

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Limite de mots

« J’ai un peu hâte »: Alice Zeniter aimerait que les CalĂ©doniens puissent enfin lire le roman qu’elle a fait paraĂ®tre en aoĂ»t, fiction sur la Nouvelle-CalĂ©donie qui n’est pas arrivĂ©e en librairie dans l’archipel.

« Disponible fin octobre », dit le site internet de CalĂ©do Livres, le libraire de NoumĂ©a, Ă  propos de « Frapper l’Ă©popĂ©e » (Ă©ditions Flammarion). Le livre est paru le 14 aoĂ»t en France mĂ©tropolitaine.
InterrogĂ©e par l’AFP lors du festival littĂ©raire Correspondances de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), l’autrice dit ne pas connaĂ®tre les raisons exactes de ce dĂ©calage.
« On m’a donnĂ© Ă  un moment une explication qui Ă©tait qu’Ă  cause des pĂ©nuries, l’acheminement des marchandises avait Ă©tĂ© rĂ©organisĂ©, et que les caisses de livres avaient pris du retard », rapporte-t-elle.
« Et Ă  un autre moment, une amie journaliste m’a dit: non, il a Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment retenu pour ne pas ĂŞtre vendu sur le territoire avant le 24 septembre, au cas oĂą ce serait un brĂ»lot indĂ©pendantiste », poursuit-elle. « Je ne sais pas. Le bouquin est sorti, donc on peut le lire et voir que ce n’est pas ça ».
– Rares Ă©crivains –
Le 24 septembre marque l’anniversaire du passage de la Nouvelle-CalĂ©donie sous contrĂ´le français, en 1853. Depuis 2004, la FĂŞte de la citoyennetĂ© est cĂ©lĂ©brĂ©e Ă  cette date.
« Frapper l’Ă©popĂ©e » n’est pas incendiaire. C’est une fiction autour de deux lycĂ©ens kanak de NoumĂ©a et d’une jeune professeure, dont un aĂŻeul vient d’AlgĂ©rie.
La 1ère, chaĂ®ne de tĂ©lĂ©vision publique de l’Outremer, a saluĂ© « un rĂ©cit intime et un portrait touchant du Caillou mais sans concession vis-Ă -vis du fait colonial ».
Rares sont les Ă©crivains qui se sont intĂ©ressĂ©s Ă  cet archipel du Pacifique. La militante rĂ©volutionnaire Louise Michel raconte dans ses mĂ©moires son sĂ©jour au bagne. Didier Daeninckx, dans « Cannibale » en 1998, dĂ©crivit les Kanak venus pour l’Exposition coloniale de 1931. Les autres auteurs sont moins connus.
Alice Zeniter, prix Goncourt des lycĂ©ens 2017 pour « L’Art de perdre » sur une famille de harkis, est d’abord allĂ©e en Nouvelle-CalĂ©donie pour le Salon international du livre ocĂ©anien 2019. Elle a Ă©tĂ© irrĂ©mĂ©diablement frappĂ©e par les paysages.
– « En colère » –
« La beautĂ© de l’endroit. Cette absurditĂ© qui veut que des gens sont arrivĂ©s dans un paradis et se sont dit: ce sera une parfaite colonie pĂ©nitentiaire. Je crois que j’ai du mal Ă  me remettre de ça », souligne-t-elle.
Cette idĂ©e de bâtir un bagne remonte Ă  plus d’un siècle et demi. Aujourd’hui, la Nouvelle-CalĂ©donie se relève très pĂ©niblement de troubles qui ont dĂ©butĂ© mi-mai, et fait 13 morts.
Le roman, écrit en bonne partie à Nouméa, était fini quand ont éclaté les violences, provoquées par un projet de réforme du corps électoral que rejettent les indépendantistes.
« J’Ă©tais très en colère », lance la romancière, elle aussi hostile Ă  cette rĂ©forme. Elle dĂ©plore « l’irresponsabilitĂ© du gouvernement qui se dit: on passe en force et ça ira ».
« Je veux croire encore que c’est possible de faire les choses intelligemment. Je crois que la version intelligente des choses a vraiment Ă©tĂ© flĂ©chĂ©e par Jean-Marie Tjibaou dans les annĂ©es 80 », estime-t-elle.
Ce leader indépendantiste a été assassiné en 1989. Alice Zeniter avait trois ans.

Par Laure AL KHOURY et BenoĂ®t FINCK Ă  JĂ©rusalem – © 2024 AFP






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