« présidentielle à haut risque entre un pouvoir aux abois et une opposition surmotivée » 👉️ Lire l’article en entier
« Jusqu’au bout », crie l’opposition. « Victoire certaine par KO », répondent les partisans du sortant Nicolas Maduro: la présidentielle du 28 juillet au Venezuela se tient dans une ambiance extrêmement tendue avec deux camps persuadés de gagner et refusant toute concession.
Selon les sondages, l’opposition est largement en tête de ce scrutin auquel participent huit autres candidats sans aucun poids. Mais, M. Maduro, 61, ans, qui s’appuie sur l’armée et un harcèlement policier de l’opposition, promet régulièrement qu’il ne cédera pas le pouvoir, prédisant le chaos sans lui.
« L’avenir du Venezuela pour les 50 prochaines années se décide le 28 juillet, entre un Venezuela de paix ou de violences et conflits. Paix ou guerre », dit-il.
Quelque 21 des 30 millions de Vénézuéliens sont appelés à choisir entre Nicolas Maduro, qui vise à prolonger les 25 années d’aventure chaviste au pouvoir (Hugo Chavez, président entre 1999 et 2013), et le diplomate Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans, inconnu il y a quelques semaines et qui remplace au pied levé Maria Corina Machado, la charismatique leader de l’opposition, déclarée inéligible.
Dans des conditions « normales » de vote dimanche, « il y aura une victoire extrêmement large de l’opposition. Que M. Maduro puisse obtenir la victoire est impossible », estime Luis Salamanca, professeur de l’Université centrale du Venezuela. Le dernier sondage ORC place M. Gonzalez à 60% et M. Maduro à 13%.
« Il y a un mouvement pour le changement. Le changement, ici, on le demande comme on demande de la nourriture ou de l’eau, c’est existentiel. Il y a une nécessité de changement », ajoute-t-il.
Crise du pétrole
Le pays pétrolier, longtemps un des plus riches d’Amérique latine, est exsangue, empêtré dans une crise économique sans précédent. Conséquence d’une mauvaise gestion et de la corruption, la production pétrolière s’est effondrée, passant de 3,5 millions de barils/jour en 2008 à 400.000 b/jour en 2020 (aujourd’hui un million b/j). Le PIB s’est réduit de 80% en dix ans avec une hyperinflation qui a obligé les autorités à dollariser partiellement l’économie.
Sept millions de Vénézuéliens ont fui le pays. La grande partie de ceux qui sont restés vit avec quelques dollars à peine par mois. Les systèmes de santé et d’éducation sont dans un état de délabrement complet.
Le pouvoir accuse le « blocus criminel » d’être à l’origine de tous les maux. Les États-Unis avaient durci leurs sanctions pour tenter d’évincer M. Maduro du pouvoir après sa réélection contestée de 2018 lors d’un scrutin entaché de fraudes selon l’opposition et qui avait débouché sur des manifestations sévèrement réprimées, déclenchant une enquête de la Cour pénale internationale (CPI).
Malgré le rapprochement du Venezuela avec la Russie, l’Iran et la Chine, les États-Unis, qui étaient le principal acheteur de pétrole vénézuélien avant les sanctions, restent un acteur central de la crise.
Washington a tenté de forcer M. Maduro à des élections « démocratiques, libres et compétitives » sans infléchir Caracas, qui a notamment confirmé l’inéligibilité de Mme Machado ou retiré son invitation à l’Union européenne pour observer le scrutin.
Mais, realpolitik oblige, la Maison Blanche, désireuse de relancer la production vénézuélienne dans un contexte de tension sur le brut avec les crises ukrainienne et au Moyen-Orient, a, tout en tenant un discours ferme, ouvert la porte avec des autorisations de travailler pour des compagnies pétrolières étrangères comme Chevron, Repsol ou Maurel et Prom. Les USA ont même libéré deux neveux de l’épouse de Nicolas Maduro condamnés pour trafic de drogue en 2022 et en 2023 Alex Saab, un des principaux intermédiaires du Venezuela, incarcéré aux Etats-Unis pour blanchiment.
Washington veut aussi se prémunir contre une nouvelle vague d’émigration annoncée en cas de victoire de M. Maduro.
Celui-ci cherche à normaliser ses relations avec le monde occidental notamment pour avoir accès aux capitaux susceptibles de relancer la machine pétrolière et économique et confirmer une timide et fragile reprise.
Promesses de « changement »
L’opposition comme Nicolas Maduro — même s’il est au pouvoir depuis 2013 — promettent le « changement » et une « nouvelle prospérité » presque dans les mêmes termes. L’opposition avec une libéralisation économique et des privatisations, M. Maduro avec plus de social et une relance.
Beaucoup craignent que M. Maduro, souvent qualifié de « dictateur » par l’opposition, tente de fausser le jeu: fraude, annulation pure et simple ou « que le gouvernement disqualifie Gonzalez Urrutia juste avant l’élection », selon Rebecca Hanson, spécialiste de l’Amérique latine à l’université de Floride.
Elle estime possible « de la violence après l’annonce des résultats », soulignant que les chances de voir Nicolas Maduro accepter de quitter le pouvoir sont « faibles ».
Une des clés sera l’attitude de l’appareil sécuritaire, pilier du pouvoir tant en participant à la répression de manifestations comme à la « persécution et arrestation » de membres de l’opposition, selon des ONG de défense des droits humains. Foro Penal a comptabilisé 102 arrestations liées à la campagne de l’opposition.
« Les militaires sont loyaux jusqu’à ce qu’ils cessent de l’être », rappelle sous couvert de l’anonymat un universitaire citant l’ancien président Luis Herrera Campins (1979-84) et espérant que la fidélité de l’armée au chavisme ne soit pas inébranlable.
Le président Maduro assure lui que l’armée est de son côté et laisse entendre de possibles soulèvements en cas de victoire de l’opposition. M. Gonzalez Urrutia a dans une lettre ouverte à l’armée rappelé que celle-ci devait « respecter et faire respecter » le résultat de l’élection du « peuple souverain ».
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