Prendre en compte le bilinguisme de La Réunion pour faire reculer l’illettrisme

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Les Journées nationales d’action contre l’illettrisme traitent une conséquence du néocolonialisme sans s’attaquer à la cause du phénomène

12 septembre, par Manuel Marchal

Du 8 au 15 septembre se tiennent les Journées nationales d’action contre l’illettrisme. A La Réunion, environ 115000 personnes sont touchées par ce phénomène, et un jeune sur cinq, c’est énorme. Malgré la décolonisation officielle de La Réunion, l’illettrisme persiste dans notre pays. C’est une des caractéristiques du sous-développement.

Les luttes menées par les communistes et les progressistes ont amené Paris à faire d’une réalité la loi sur l’école obligatoire et gratuite. La gratuité n’est pas encore obtenue. En effet, chaque année, les parents doivent acheter des fournitures scolaires à leurs enfants. Selon le principe de gratuité, les livres, cahiers, stylos, feuilles et autres accessoires doivent être fournis par l’État au moins jusqu’à l’âge de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire 16 ans.

L’accès à l’école publique est donc obligatoire. Les Réunionnais illettrés aujourd’hui ont donc été scolarisés pendant au moins 10 ans dans le système éducatif français. Malgré cela, ils sont encore très nombreux à ne pas maîtriser la lecture et l’écriture à la fin de cette importante période de leur vie. Comment expliquer ce phénomène ?

Le système favorise les francophones de langue maternelle

Tout d’abord, un préalable : La Réunion n’est pas la France. Le français n’est pas la langue maternelle de la majorité des Réunionnais, c’est le créole. Pourtant, le système éducatif en place à La Réunion fonctionne comme en France, où le français est la langue maternelle des autochtones.

C’est donc le français qui est la langue d’enseignement. Ceci ne peut que favoriser une minorité de francophones au détriment d’une majorité de créolophones. Le bilinguisme de notre île n’est pas pris en compte par ce système éducatif. Pourtant, la logique voudrait que le français fasse l’objet d’un apprentissage en tant que langue étrangère avant d’être éventuellement utilisée comme langue d’enseignement unique. Ainsi, les jeunes Réunionnais auraient la capacité de maîtriser d’emblée deux langues : le créole et le français.

La maîtrise du créole par tous les enseignants est aussi un atout pour favoriser la communication du savoir. Mais la réussite scolaire n’est pas l’objectif principal de ce système et des arguments contestables sont mis en avant pour justifier la facilité offerte aux francophones.

Le français langue unique d’enseignement : pas d’argument de nature pédagogique

Dans le monde, l’anglais est bien plus parlé que le français. Si en France la langue d’enseignement était l’anglais depuis l’école élémentaire sans aucun apprentissage préalable, il y a fort à parier que l’échec scolaire serait plus important dans ce pays, ainsi que l’illettrisme. Une telle éventualité va pourtant dans le sens des défenseurs du français comme langue d’enseignement exclusive à La Réunion : la langue maternelle est moins parlée dans le monde que la langue d’enseignement. Cela montre donc que cet argument ne tient pas.

Un autre argument est plus politique. La Réunion est intégrée à un État, la République française, où la langue officielle est le français. Pour des adversaires du créole comme langue d’enseignement, le français est la langue d’intégration à l’État, l’enseignement en créole peut être assimilé à du séparatisme.

Là aussi, cet argument est bien contestable. Un État aussi prospère que la Suisse possède trois langues officielles, allemand, français et italien, alors que les germanophones sont bien plus nombreux que les deux autres communautés linguistiques.

Des mères créolophones imposent le français comme langue unique à leurs enfants

Le maintien du français comme langue d’enseignement favorise donc des situations acquises. Certains francophones de naissance établis à La Réunion ont-ils intérêt à voir leur progéniture concurrencée par l’écrasante majorité de créolophones à La Réunion pour les postes d’encadrement par exemple ?

Les conséquences d’un tel système peuvent être très inquiétantes. Ainsi, des mères créolophones ne parlent qu’en français à leurs enfants, et leur imposent le français comme langue de communication à la maison. Elles pensent ainsi que leurs enfants auront plus de chance d’être cadre plus tard, grâce à la réussite à l’école. Mais ceci est une menace à terme pour l’existence de la langue créole, une des composantes du patrimoine de l’humanité au même titre que les autres langues encore parlées dans le monde.

Reconnaissance du bilinguisme et s’inspirer de la réussite de Cuba

Pour lutter contre l’illettrisme, il importe de tenir compte de la réalité du bilinguisme à La Réunion. Le créole doit être une langue d’enseignement au même titre que le français. Ceci ne peut que favoriser la réussite scolaire du plus grand nombre de jeunes Réunionnais.

Par ailleurs, pour les personnes victimes de l’illettrisme après au moins 10 ans de fréquentation du système scolaire français, il importe de s’inspirer de méthodes qui permettent de régler rapidement ce problème.

Au moment où les communistes sont arrivés à la direction de Cuba, la très grande majorité de la population était analphabète ou illettrée. La lutte contre ce phénomène a été une priorité des communistes. Aujourd’hui, Cuba est un pays où le taux d’illettrisme est parmi les plus faibles au monde, il est inférieur à celui des États-Unis et de pays comme la France.

Pourquoi donc ne pas coopérer à grande échelle avec Cuba pour régler en quelques années le problème de l’illettrisme à La Réunion ?

M.M.






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